LA MEDIATION 

La place de la médiation dans

les plaintes des usagers

mediation-2

Comment faire évoluer la médiation à l’hôpital

 Contexte : A la lecture d’un communiqué de l’ARS sur la pratique de la médiation dans les hôpitaux, j’ai étayé leurs arguments par mes expériences vécues en qualité de membre de l’AVIAM, de RU et de médiateur

Le dernier entretien  à l’AVIAM, mercredi 13 Février, m’a poussé à écrire ce texte

Nos expériences et propositions pourraient « remonter » aux instances bien placées et permettre peut être de faire évoluer la médiation à l’hôpital. D’ailleurs nos conclusions sont en harmonie avec leurs objectifs.

 

  1. 1.    COMMUNIQUE DE L’ARS ILE DE FRANCE  ( 2011)

(Reprise du texte issu du  site ARS Médiation)

La médiation en établissements de santé

La direction de la démocratie sanitaire de la communication et des affaires publiques a mis en place un projet visant à renforcer la médiation médicale dans les établissements de santé telle qu’elle fut instaurée par la loi du 4 mars 2002.

Fortement associés à l’instruction des plaintes et réclamations, les médiateurs siègent à la CRUQPC aux côtés des représentants des usagers et du représentant légal de l’établissement.

Définition

La médiation est un processus de communication éthique reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants, dans lequel un tiers – impartial, indépendant, neutre, sans pouvoir décisionnel ou consultatif, avec la seule autorité que lui reconnaissent les médiateurs – favorise par des entretiens confidentiels l’établissement, le rétablissement du lien social, la prévention ou le règlement de la situation en cause. (GUILLAUME HOFNUNG M – La médiation – Que sais-je ?)

Une médiation est un dispositif qui permet une rencontre organisée en présence d’un tiers, soutenue par le désir des personnes de se parler.

Qui sont les médiateurs ?

Les médiateurs d’une CRUQPC sont : un médiateur médecin et un médiateur non médecin, ainsi que leurs suppléants, désignés par le représentant légal de l’établissement pour 3 ans.

L’article R. 1112-92 du Code de la Santé Publique précise que «  le médiateur médecin est compétent pour connaître des plaintes ou réclamations qui mettent exclusivement en cause l’organisation des soins et le fonctionnement médical du service tandis que le médiateur non médecin est compétent pour connaître des plaintes ou réclamations étrangères à ces questions. Si une plainte ou réclamation intéresse les deux médiateurs, ils sont simultanément saisis. »
Ainsi, l’usager qui s’estime victime d’un préjudice du fait de l’activité médicale peut demander l’assistance et les conseils du médiateur médical. Les missions de ce dernier consistent notamment à apporter ou compléter l’information, dissiper les malentendus, porter la parole des patients notamment pour signaler des dysfonctionnements. Ses principaux atouts sont sa qualité d’écoute, sa capacité de compréhension largement tributaires de son expérience de clinicien, son sens de l’équité et sa neutralité, piliers de l’éthique de la médiation.

Etat des lieux de la médiation médicale

Les chiffres démontrent que le recours effectif à la médiation, et en particulier à la médiation en matière médicale, peine à entrer dans les pratiques habituelles.

En effet, la synthèse des rapports CRUQPC de 2010 démontre que la possibilité offerte aux usagers de saisir le médiateur est rarement utilisée, avec en moyenne 2 saisines du médiateur médical par an et par établissement.

Or, l’analyse des réclamations effectuées par les usagers ou leurs proches montre combien la demande d’information est forte.  Le motif « relation avec les professionnels de santé » est très souvent à l’origine de la réclamation voire de nombreux contentieux qui auraient parfois pu être évités si l’information avait été donnée de façon appropriée et au bon moment. La médiation apparaît donc nécessaire.

Par ailleurs, les pratiques de médiations peuvent se révéler extrêmement hétérogènes d’un établissement à l’autre : du « simple » entretien avec l’usager ou sa famille jusqu’à la réunion de médiation avec tous les acteurs concernés ou encore un entretien avec des collègues médecins au sujet d’un dossier.

De plus, l’articulation avec la CRUQPC n’est pas toujours clairement définie. A cela, s’ajoute le problème de l’indépendance de la médiation.

Enfin, il n’existe pas à proprement parler d’offre de formation consolidée ou reconnue pour les médiateurs médicaux dont l’appréciation des compétences et des qualités repose uniquement sur le directeur qui les désigne.

Les objectifs de l’ARS pour renforcer et améliorer la médiation médicale

Développer la médiation médicale dans les établissements de santé

Favoriser l’harmonisation et l’amélioration de la qualité des pratiques en matière de médiation médicale

Favoriser la mise en réseau ou une coordination régionale des médecins médiateur

mediation-3

  1. 2.      EXPERIENCES DE PROXIMITE DANS UNE ASSOCIATION

AVIAM Rhône Alpes Auvergne : Les entretiens avec les victimes, comment ça se passe, ce qu’il en ressort ?

 Au cours de l’année 2012, les bénévoles de l’AVIAM ont assuré 70 entretiens. Les motifs de plaintes sont variés et portent sur des degrés de gravité plus ou moins sévères, allant jusqu’au décès. La mission principale de l’AVIAM est d’aider les usagers de la santé à  défendre leurs droits. L’objectif est de conduire les entretiens dans un esprit de médiation. La notion de défense des intérêts et d’indemnisation représente certes souvent une finalité, mais une démarche d’accompagnement des victimes, pour l’acceptation du changement de leur situation, doit aussi être mise en oeuvre.

Les victimes s’expriment d’ailleurs en ces termes : »Ce n’est pas l’argent qui m’intéresse, c’est surtout de la reconnaissance » « on ne m’a pas cru » «  le médecin ne m’a même pas regardé « on m’a laissé tomber « « on ne s’est pas intéressé à ma douleur » »je ne veux partir en justice, je n’ai pas le courage, une simple reconnaissance des faits m’apaiserait » etc …

L’AVIAM a élaboré une charte, dans laquelle sont rappelés les rôles respectifs de la victime et de l’interlocuteur de l’ AVIAM

Voici un extrait de charte concernant le rôle de l’interlocuteur :

« Il fait équipe avec vous, il est votre guide, pour vous assister en toute confidentialité. Il ne doit pas se substituer à vous au cours de la procédure, vous conservez la maîtrise de votre dossier.

Il vous offre une écoute attentive et positive et vous conseille pour tous problèmes administratifs.

Il s’efforce de créer les conditions qui vous permettent de trouver un apaisement et de prendre un choix éclairé. Il vous laisse toute liberté de choix

Il vous aide  à faire émerger votre ressenti, vos attentes et vous faire prendre conscience de la réalité, afin d’appréhender au mieux l’avenir.

Il vous explique l’avancement de votre procédure et prend contact avec les professionnels.

Il vous soutient dans les moments de découragement et vous redonne courage à continuer.

Il a lui même, dans bien des cas, subi ce type de situation, il est en phase avec vous.

Il ne demande pas de témoignage de satisfaction de votre part, il souhaite vivement et simplement, que le travail soit fait en équipe et en bonne intelligence. »

Ce texte traduit dans quel état d’esprit de médiation se déroulent les entretiens.

Concrètement, et suivant les situations, l’AVIAM expose les possibilités de recours qui peuvent être mises en œuvre , les explique, et laisse du temps de réflexion à la victime.

Quelle que soit la décision prise, n’oublions pas que

des convergences et des divergences existent entre le Droit et la Médiation :

Le médiateur et le juge ont deux points communs : il interviennent sur un même objet, le conflit, et ont en charge d’aboutir ou de faire aboutir vers une solution.

Pour prendre en compte les éléments d’un conflit chacun va s’attacher à traiter les trois aspects, mais pas dans le même ordre. Le juge traite le  juridique, le technique, l’émotionnel, alors que le médiateur commence par le côté émotionnel : il fait « vider le sac », et lorsqu’il est moins lourd, lorsque les peurs, les angoisses ont pu être purgées, l’expérience a plus de chance de réussir. Dans un procès, il reste  souvent de la frustration, ce qui ne permet pas aux victimes de faire leur deuil. Le dossier est archivé, mais le conflit n’est pas éteint, Une partie peut gagner le procès, et ne pas être prêt émotionnellement à appréhender la solution. Nous sommes complémentaires avec les professionnels de la justice.

  1. EXPERIENCES DE PROXIMITE DANS UNE CRUQ et REFLEXIONS

Le rôle des représentants des usagers en  CRUQ, leur position au regard de la médiation

 En qualité de RU dans un établissement de soins, mon expérience montre que toutes les plaintes et réclamations sont traitées efficacement et avec une attention bienveillante envers les plaignants. Les griefs donnent d’ailleurs lieu à des actions correctrices. En ce qui concerne le recours à la médiation, il est peu utilisé : 1 sur l’année 2012.Le rapport de la Médiation a été communiqué aux RU par courrier                                                  .mediation-1

Le rapport établi par le médecin Médiateur relate son entretien avec la famille de l’usager : le contexte, les éléments fournis par la famille, la réponse du médecin à tous les points évoqués. Les réponses sont claires et techniques, elles mettent l’accent sur l’aspect « mise en sécurité » de la patiente. Néanmoins, l’attente de la famille portait aussi sur l’attitude, le comportement, les paroles du personnel et sur la non communication ressentie. Cet aspect n’est pas évoqué dans le rapport.

 

Médiation médicale : le point de vue du médiateur professionnel

 Au cours de ma formation de médiateur, j’avais obtenu l’autorisation d’ un médiateur médical d’assister à deux médiations.

J’ai observé

  • Chez les plaignants

Les regards, les attentes, et le respect L’expression du doute, de la volonté de comprendre ce qui s’est passé. Pas d’agressivité, mais une souffrance intérieure réelle, avec des répétitions, pourquoi, pourquoi, je voudrais comprendre. J’aurai aimé que l’on m’explique

  • Chez le médiateur

L’empathie, le vocabulaire adapté, l’explication et le sentiment d’avoir étudié le dossier, la posture, l’écoute, la reformulation.

Les explications médicales sont développées, la possibilité de se tromper parfois est évoquée, sans remettre en cause la conduite adoptée

L’accent porte sur l’intention de prendre la meilleure décision au regard des risques

A la fin de l’entretien, la possibilité est laissée aux plaignants de requestionner, de réfléchir

Le fait que le médiateur médical soit ou non de l’établissement ne change pas grand-chose

Le plaignant vient plaider sa cause Le médiateur s’en tient aux écrits du médecin concerné pour plaider. C’est de l’écoute , de l’explication . On a exprimé les faits, les conséquences,

Est-ce que l’on a purgé les 3 points ? L’interprétation, le prêt d’intention, la contrainte :Non

Il est évident que le médiateur médical reste un intermédiaire, réceptif, certes, et crédible, car médicalement compétent. Une notion manque celle de la posture de médiateur, ayant la capacité à faire émerger les ressentis, et ainsi pouvoir les porter à la connaissance de l’auteur des faits incriminés.  

  

 

  1. CONCLUSIONS

 Les attentes des victimes sont importantes et la médiation est peu utilisée mediation-4

La médiation telle qu’elle existe par la loi peut être améliorée

Le recours à la médiation doit être encouragé.

 

 

  1. 5.      PERSPECTIVES :EN COHERENCE AVEC LES OBECTIFS DE L’ARS PROPOSER DES AMELIORATIONS POUR LA MISE EN APPLICATION D’UNE RELLE MEDIATION

La fonction de médecin médiateur a été créée en France, dans les hôpitaux publics, en 2002, Les expériences recueillies montrent qu’une amélioration peut être proposée, par exemple, par Une formation pour le médiateur médical

Expliquer sa fonction en CRUQ :

« Il accompagne les parties dans leur réflexion

Il prend en charge le conflit Il est l’acteur de la reconnaissance, de la légitimité des points de vue, expliquant l’écart qui peut exister entre la réalité et la manière de l’interpréter »

Pour les professionnels de la Médiation, considérée comme une discipline à part entière, les principales compétences sont les suivantes :

L’accueil des positionnements et des points de vue, ce qui différe de la tolérance impliquant des interdits, des tabous

La reconnaissance de la légitimité des points de vue, des sentiments, des attentes…

L’altérité – reconnaissance fondamentale du droit à la différence

l’altérocentrage qui se traduit par la distanciation indispensable pour le médiateur de ne pas se sentir impliquer par identification, et par là de « s’égocentrer » ;

La maîtrise de l’art d’une rhétorique pacificatrice et pour exprimer de manière acceptable ce qui ne l’était pas jusqu’alors ;

La vigilance aux formulations conflictuelles ;

La maïeutique : pour accompagner l’expression et faciliter la réflexion des parties ;

La pédagogie : pour transmettre des savoir-faire et savoir-être facilitateurs du changement

La créativité : en étant accompagnateur sans être porteur d’une solution qu’il défendrait ;

La lucidité : ne pas prendre pour des faits les mots qu’il est amené à écouter. Ce sont des mots et parfois que des mots.

Un complément d’information dans le rapport du médiateur médical : les ressentis, les émotions, les interprétations ou prêts d’intention énoncés par la victimes devront figurer. Ils seront portés à la connaissance des auteurs des faits reprochés .

 

Janine Marchand

14 02 2013